Prendre rendez-vous en ligneDoctolib

EUROVOX 2003 OSLO Norvège

Congrès Eurovox organisé par la NSPF (Association Norvégienne des Professeurs de Chant)
Août 2003, Oslo (Norvège)

« Voice, body and soul » (voix, corps et âme) était le thème choisi par les Norvégiens pour ce congrès de l’EVTA, association européenne des professeurs de chant, organisé dans les très beaux locaux de l’Académie norvégienne de musique à Oslo. Ce thème souhaitait associer la voix dans le corps, le corps dans la voix, l’âme dans l’expression et l’expression dans l’âme. Le programme se focalisait sur la communication dans son intégralité (en tant que chanteur, acteur, enseignant, orateur, guide…) afin d’atteindre une libre et totale expression. Le but déclaré étant de développer notre compréhension et nos capacités dans tous les genres et styles de voix chantée et parlée.

Une très belle réception à l’Hôtel de Ville d’Oslo est suivie d’un concert du groupe AKKU, composé de deux chanteuses et d’un joueur de tuba, dont la musique expérimentale est fondée sur les traditions vocales ethniques du Grand Nord et sur les bruits d’animaux. Un très beau disque de leur groupe est sorti en 2001.

La cérémonie d’ouverture est présidée par Harald Jorgensen, directeur de l’Académie norvégienne de musique. Une conférence de Linda Wise  « You are your voice »  clôt la première journée.

Une soirée de rencontre  a donné l’occasion à ceux qui le désiraient de chanter ou de jouer. Ce qui a permis de voir que, même s’ils enseignaient le chant classique, certains avaient des talents marqués pour la comédie musicale, voire pour la variété ou la musique pop. Ces styles étant très présents dans ce congrès (voir plus bas les master classes d’Elizabeth Howard et de Catherine Sadolin).

Les journées suivantes débutaient, au choix, par un échauffement avec Linda Wise, du Tai-chi avec Merete Sparre ou de la Technique F.M.Alexander avec Randi Bjerge.

La première conférence est celle de Per-Ake Lindestad. « La fonction musculaire laryngée, plus que du mouvement ? » expose les derniers travaux de recherche internationale concernant la musculature et les divers centres du contrôle cérébral. Le chant équivaut au sport quant à la force, la vitesse et l’attente. « Like sport, singing is a lonely business ». Les vibrations sont passives. Les facteurs de régulation de la voix sont :  la pression sous les cordes (pression sous-glottique), la forme, la tension et la position des cordes, les forces adductrices et les caractéristiques de la couche superficielle. Lindestad se trompe quand il dit que le facteur le plus important pour le timbre est la rapidité de fermeture des cordes. Celle-ci ne détermine que l’intensité du son laryngé. Ce dernier sera modifié acoustiquement (c’est cela le timbre) par l’intervention des voies aériennes qui se trouvent au-dessus des cordes, les organes cervico-faciaux nécessaires à la phonation (langue, piliers, voile, lèvres, épiglotte, fosses nasales, orifice tubaire etc) qui y sont situés et la variation de rigidité de leurs parois commandée volontairement par la contraction musculaire. Quelques remarques  générales : plus le son est élevé (high pitch) plus la masse vibrante est petite ; avec l’élongation des cordes dans les notes élevées, la masse vocale est étirée et la muqueuse est amincie ; la qualité de la voix dépend du contenu des harmoniques et de leur accroissement. Les muscles laryngés seraient sans fuseau musculaire. Remarque personnelle : opposition action / contraction : l’action (activité) d’un muscle est de se contracter, la passion (passivité) en est l’élongation (ce qui se produit dans les aigus !!).

Lindeblad décrit la nouvelle classification des muscles en trois catégories : striés squelettiques (bras, jambes  mouvements volontaires), viscéraux ou « lisses » non striés (intestins, vessie, vaisseaux, cœur  mouvements involontaires et automatiques), et enfin striés viscéraux spécifiques (larynx, expression faciale  mouvements a la fois volontaires et automatiques, comme le diaphragme d’ailleurs).  Le chant utilise principalement cette dernière sorte de muscles.

Trois types aussi de fibres musculaires : type 1 blanc – lent, endurant et aérobique (i.e. utilise de l’oxygène)  – (par exemple, chez le coureur de fond) ; type 2 rouge – rapide, fatigable, anaérobique (i.e. n’utilise pas d’oxygène, produit de l’acide lactique)  – (par exemple chez le sprinter) ; type 2B – rapide et endurant. Les caractéristiques des muscles laryngés : de petites plaques motrices permettant des mouvements fins ; les fuseaux musculaires sont différents et parfois absents ; ils contiennent beaucoup de type 2B (surtout les thyro-aryténoïdiens, c’est-à-dire les cordes vocales) et sont donc à la fois rapides et endurants ; ils ont une innervation multiple. Ils diffèrent donc des autres muscles striés non seulement par la taille, mais parce qu’ils ne peuvent être actionnés, par action volontaire, que bilatéralement ; ils réagissent immédiatement aux stimuli émotionnels ; ils protègent les voies respiratoires.

Puis une master classe de deux heures d’Elizabeth Howard sur les différents styles de musique moderne (Blues, Rhythm & Blues, Country, Rock et Jazz) et la technique vocale qui sera reprise le lendemain – car, en même temps, dans un autre amphi Barbara von Siebenthal fait une master classe sur « Le son de l’âme, la voix du cœur et l’expression du corps » -. Distribution à la salle de ses « vocal power exercises ». Elle nous fait chanter la gamme de blues. Elle nous explique le belt mix qui, selon elle, permet de chanter des aigus puissants rivalisant avec les notes de poitrine. Ce belt mix doit être « ancré dans le masque ». Il commence sur le la ou le si bémol au-dessus du do moyen pour les hommes et les femmes et peut atteindre le fa deux octaves au-dessus, voire plus.

L’après-midi deux master classes : l’improvisation par Sidsel Endresen et « Le belting, tabou ou nécessité ? ».

Isa Katharina Gericke « Le lied allemand en Norvège ».

Dîner de gala, qui a permis de constater l’énorme chaleur des organisateurs. Seule la qualité des chanteurs, ce soir-là, faisait oublier que nous étions à l’assemblée européenne des professeurs de chant.

Le lendemain Anne Gjevang  mezzo / contralto avec, au piano, Einar Steen-Nokleberg dans sa master classe extraordinaire sur les mélodies allemandes de Grieg. Interprète de Wagner et de R. Strauß, elle a enregistré le Messie de Händel avec Solti. Grande spécialiste de Grieg dont elle voudrait prouver que le style de musique romantique, à la fois mélancolique et enjoué, doit captiver encore et encore les auditeurs. Les trois chanteurs (un ténor, un baryton et une soprano) sont d’une qualité que l’on aurait aimé retrouver chez les autres cobayes de ce congrès. La partition des cinq lieder (Die Müllerin / Eingehüllt in graue Wolken / Ein Traum / Das alte Lied / Wo sind hin ?) nous est donnée. Immense et intelligente leçon d’interprétation, la plus belle à laquelle j’ai jamais assisté. Elle fait comprendre l’importance des pauses où, pour elle, il se passe toujours musicalement quelque chose. Il faut apprendre à laisser le compositeur exprimer les modifications d’atmosphère qu’il manifeste par des changements d’harmonie, de rythme, d’intensité, de phrasé etc. De nombreuses possibilités de compréhension du texte existent. On peut certes chanter sans, mais on ne devient artiste que dès que l’on sent le choix possible dans l’interprétation. « Les couleurs viennent d’elles-mêmes si nous utilisons notre imagination ». Pour la musicalité et la santé de la voix, il faut appuyer la note qui précède l’aigu. Anne Gjevang nous en fait une troublante démonstration.

Très intéressante master classe de Catherine Sadolin où elle a fait chanter à tout l’auditoire des sons de « heavy metal ». Elle-même auteur compositeur, elle a chanté le répertoire classique puis le rock. Son cours reprend la méthode développée dans son livre avec CD « Complete vocal techniques », où elle décrit quatre « modes » ou « chemins » ou « matériels » vocaux dans toute voix (neutral, curbing, belting et overdrive). D’après elle, il suffit de les connaître et d’en respecter les lois pour contrôler sa voix dans la parole et dans tout type de chant.

Exposé de Ank Reinders sur la voix du ténor.

Le dernier jour, conférence de Henning Herresthal sur la voix, le corps et l’âme à la télévision et à la radio.

Puis Ingrid Bjoner vient, en larmes, nous raconter la carrière  d’une autre grande chanteuse norvégienne, Kirsten Flagstad, et nous faire écouter deux de ses enregistrements célèbres. Elle a débuté en 1957 à l’opéra d’Oslo et de Stockholm, puis s’est produite à Munich, au Metropolitan opera de New York,  à Londres, Paris, Salzbourg et Bayreuth. Grande interprète de rôles allant de Mozart à Richard Strauss et Wagner. Standing ovation à la fin.

Master classe de Jeffrey Goldberg, conseiller de l’opéra d’Oslo, coach new yorkais de nombreux artistes à carrière internationale. Il fait travailler l’air des cartes à une Carmen norvégienne dont il améliore magnifiquement la prononciation, la prosodie, le phrasé. Cela en la noyant d’explications physiologiques et techniques, parfois justes, très souvent extrêmement fausses. Confusion habituelle d’assimilation des mécanismes physiologiques des voix de poitrine et de tête chez l’homme et la femme ; conseillant de relâcher le diaphragme à l’inspiration (alors que c’est en se contractant qu’il permet l’inspiration) . « Let the head voice mix with chest voice ». Il entend par « mixer en voix de poitrine » la focalisation du son et l’ajout des harmoniques aigus. Remarque personnelle : la voix mixte n’est pas un mélange des mécanismes de production des sons, mais une modification acoustique, ajoutant dans un mécanisme certaines des qualités d’un autre. Par exemple, pour augmenter en « voix de tête » chez la femme les harmoniques graves et renforcer le fondamental, il faut, tout en restant dans le même mécanisme, augmenter la masse des cordes qui vibrent en les contractant sans en changer la longueur, en se servant conjointement des extenseurs de la corde pour contrebalancer le raccourcissement des cordes dû à leur contraction. On comprend alors la difficulté de bien chanter et la rareté de ceux qui y parviennent. Il conseille « d’ajouter en voix de poitrine des couleurs sombres, en permettant au larynx de s’abaisser ».  Puis il fait travailler l’air d’Alfredo dans la Traviata Lunge da lei : « libère ta poitrine en chantant avec le larynx bas. Ne le force pas », Ach, ich fuhl’s.  « Let the diaphragm and allow it to expand » (relâche ton diaphragme et laisse le s’élargir), encore !, « Recherche une longue ligne de chant sans articulation ».  Les trois chanteurs ont beaucoup progressé. On peut alors se demander s’il est nécessaire de posséder des connaissances techniques et physiologiques appliquées au chant, puisqu’une exigence et une connaissance de la qualité finale recherchée, fournie par la fréquentation des chanteurs de haut niveau, ont suffi ici à améliorer dramatiquement les trois chanteurs.

%d blogueurs aiment cette page :